Quantic Dream Vs LeMonde / Mediapart
« Je ne suis pas sous serment, donc, je peux mentir ? » — Guillaume de Fondaumière
Au tribunal de Paris, le 27 et 28 mai 2021 s’est tenu le procès opposant Quantic Dream aux journaux Le Monde et Mediapart, le studio de jeux vidĂ©o attaquant les deux journaux en diffamation pour des articles* relatant notamment :
– l’existence et la diffusion au sein de Quantic Dream de photomontages Ă caractère raciste, homophobe, transphobe, nazi, etc.
– une pratique de fraudes sociales Ă©rigĂ©e en système
– et plus gĂ©nĂ©ralement une culture toxique d’entreprise
Durant ces deux jours de procès, les dirigeants de Quantic Dream ont rivalisĂ© d’arrogance et d’amateurisme. Venus pour attaquer les journaux, le procès semble s’ĂŞtre retournĂ© contre eux tant ils peinent Ă dĂ©fendre leur dĂ©cence et leur dignitĂ©.
Alors, quels moments retenir de ces deux jours de procès grotesque ?
DAVID CAGE trĂ©pignant, en larmes, s’exclamant « vous vous immiscez dans mes affaires ! », « cette affaire touche Ă mon honneur », avant de quitter le tribunal, fuyant le plaidoyer des avocats de la dĂ©fense. Il est Ă©vident qu’il lui Ă©tait dĂ©licat de parler d’honneur alors qu’Ă©tait mentionnĂ©e une liste de propos qu’il aurait tenu en public : « de toute façon, dans mes jeux, toutes les femmes sont des putes », « dans l’open-space, ça manque de nichons » ou encore « chez Quantic Dream, on fait pas des jeux pour les tapettes ».
Abordant le cas de la fraude sociale, Quantic Dream a exhibĂ© fièrement des documents concernant le licenciement d’un.e employĂ©.e, censĂ©s montrer la bonne foi de l’entreprise. Les avocats de la dĂ©fense remercient Quantic Dream, car après examen rapide, les documents rĂ©vèlent des irrĂ©gularitĂ©s impliquant de fait un licenciement illĂ©gal.
Autre moment terrible que celui oĂą sont montrĂ©es une dizaine de lettres de licenciement, toutes identiques, entièrement copier/coller dont seul change le nom de l’employĂ©.e, avec toujours la mĂŞme mention « divergences de vues avec la direction », y compris dans le cas de l’auto-licenciement de GUILLAUME DE FONDAUMIERE. Il avait visiblement du mal Ă suivre ses propres directives.
InterrogĂ© Ă ce sujet, le PDG de Quantic Dream, Ă bout d’arguments, en vient Ă demander aux magistrats, les yeux dans les yeux, « mais je ne suis pas sous serment, donc, je peux mentir ? » avant d’enchaĂ®ner une sĂ©rie d’allĂ©gations douteuses, et d’Ă©voquer une sociĂ©tĂ© gravement mise en pĂ©ril (sans toutefois pouvoir fournir aucune preuve attestant d’un quelconque prĂ©judice).
Les gesticulations du PDG aux abois pourraient faire sourire, si elles ne soulignaient pas l’existence d’un système de fraudes sociales destinĂ© Ă Ă©chapper aux cotisations sociales.
Les tĂ©moins appelĂ©-e-s par Quantic Dream, tou-te-s actuellement ou anciennement employĂ©-es par l’entreprise, ne s’en sortent pas mieux. Louant tant et tant les vertus de l’entreprise, iels en poussent un juge Ă leur demander de « cesser les Ă©lĂ©ments de langage ».
Les dĂ©lĂ©guĂ©.es du personnel, interrogĂ©.es sur les actions mises en place suite Ă la publication des articles, Ă©voquent « des entretiens informels » sans pouvoir citer d’actions plus concrètes.
La personne chargée des affaires de harcèlement au CSE, estime quant à elle qu’il n’existe pas de harcèlement dans l’entreprise puisqu’elle n’a jamais reçu de message à ce sujet.
Et tous semblent dĂ©couvrir des pans de l’affaire, depuis le caractère toxique des photomontages aux pratiques de fraude institutionnelle de l’entreprise.
Pour Solidaires Informatique, au-delĂ du ridicule de voir deux patrons balbutier quand ils doivent s’expliquer sur leurs mĂ©thodes douteuses, ce procès est important, car il dĂ©monte une part de la vaste stratĂ©gie de l’entreprise de rĂ©Ă©criture des faits, agglomĂ©rat d’intimidations, provocations, communications mensongères et procĂ©dures judiciaires.
Le verdict sera rendu le 8 juillet.
En attendant cette date, nous renouvelons notre appel Ă solidaritĂ©s envers les ex-employĂ©-e-s qui ont dĂ©noncĂ© ces pratiques, qu’Edwy Plenel a par ailleurs fĂ©licitĂ©-e-s pour leur courage et qualifiĂ©-e-s de « lanceur d’alerte ».
Ces personnes subissent Ă©galement la rĂ©pression judiciaire de la part du studio Quantic Dream. Certain-e-s connaissent des difficultĂ©s financières, sans emploi ou face Ă d’importants frais de justice.
Iels ont mis en place une caisse de solidarité, et votre aide sera appréciée :
https://www.lepotcommun.fr/pot/2vg0oskx
* Les articles attaqués :
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