Solidaires Informatique et le Télétravail
Alors que les salarié.e.s sont demandeur.se.s depuis des années de la mise en place du télétravail, les entreprises auront jusqu’à récemment largement refusé ce mode d’organisation du travail. Pourtant le télétravail est perçu par les salarié.e.s comme pouvant permettre une meilleure articulation vie privée / vie professionnelle, permettant d’éviter les temps de transport souvent longs et réduisant les coûts associés. Le télétravail permet aussi de s‘extraire de conditions de travail détériorées : open-space, flex office, mobilier et matériel en mauvais état, climatisation défaillante, nuisance sonore, promiscuité, surveillance, postes de travail impersonnel, …
L’année 2020 avec la mise en télétravail forcé et généralisé a changé la vision patronale sur le recours au télétravail qui y trouve de nouveaux moyens d’exploitation des salarié.e.s.
Alors que la crainte s’ancrait essentiellement sur une perte de contrôle et de productivité, l’expérience a démontré au contraire que le travail fourni par les salarié.e.s depuis leur domicile a largement dépassé les objectifs fixés et que la surveillance numérique mise en place permettait un contrôle accru. Si bien que de nouvelles perspectives et opportunités semblent se découvrir pour nombre d’entreprises du numérique qui ouvrent des négociations pour maintenir et généraliser le télétravail comme un mode d’organisation ordinaire.
Si le télétravail généralisé peut convenir, pour le moment à une partie des salarié.e.s, d’autres peuvent être mis.e.s en difficulté, voire en grande souffrance. Des garde-fous peuvent être vus comme des contraintes pour certain.e.s salarié.e.s mais nécessaires pour d’autres. Une telle négociation peut dès lors être clivante et Solidaires Informatique doit se positionner dans ces revendications.
Solidaires Informatique doit se positionner sur ces négociations en fonction de ses valeurs, du bienêtre de tou.te.s les salarié.e.s, du maintien d’un collectif de travail et de sa capacité à construire un syndicalisme de masse et de lutte.
♦ L’indemnisation du télétravail est souvent la première revendication portée par les salarié.e.s. Elle est essentielle au regard :
- des coûts engendrés par le télétravail : énergie, aménagement, eau, espace de travail, abonnement
- des économies générées pour les entreprises : énergie, locaux, entretien, outils de travail, …
Il est essentiel de rappeler le principe d’ordre public selon lequel, un salarié ne doit pas avoir à supporter les frais engagés par celui-ci pour les besoins de son activité professionnelle (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 9 janvier 2001, 98-44.833, Publié au bulletin).
- Des plafonds forfaitaire URSSAF existent et doivent être réclamés comme minimum. Une prise en charge peut aussi se faire aux frais réels sur justificatifs.
- Le matériel nécessaire au télétravail pour occuper et aménager son espace de travail et les dépenses de fonctionnement exceptionnelles doivent être à la charge de l’employeur.
- L’occupation du logement à des fins professionnelles doit être pris en compte dans le calcul de l’indemnité.
- L’indemnité doit être due dans toutes situations de télétravail, qu’il soit volontaire ou contraint en cas d’épidémie ou d’avis médical.
♦ Le télétravail peut présenter des risques psycho sociaux liés à l’isolement, à l’absence de contrôle des heures de travail et de la charge de travail, au stress de la surveillance à distance, au burn-out et parfois au bore-out, au travail durant les arrêts maladie, aux refus de télétravail non justifiés ou imposés, …
Le télétravail, en gommant les frontières entre vie domestique et vie professionnelle, frappe encore plus durement les femmes. Ce qui induit des conséquences sur l’équilibre et la santé des salarié.e.s
- Le télétravail habituel doit être à l’initiative exclusive du salarié
- Solidaires doit revendiquer les moyens de limiter ces risques : assurer le droit à la déconnexion,maintenir le lien social avec les collègues et les représentant.e.s du personnel, assurer des bonnes conditions de travail au domicile, rendre possible à l’initiative des salarié.e.s une fin du télétravail dans des délais courts, assurer le volontariat dans la mise en place du télétravail.
- Solidaires doit revendiquer une prise en compte des situations familiales diverses et assurer l’imperméabilité entre vie privée et vie professionnelle.
- Solidaires Informatique doit refuser l’utilisation d’outils intrusifs dans la vie privée et dans l’accès aux données personnelles.
- Le télétravail doit être ouvert à tous et toutes, sans discrimination, considérant que chacun.e est en capacité de réaliser son travail en télétravail quelle que soit sa situation professionnelle ; notamment les arguments de type « comportemental » ne sauraient être invoqués pour rejeter une demande de télétravail comme par exemple un « manque d’autonomie du/de la salarié.e » qui relève d’une appréciation purement subjective.
- Les modalités de télétravail doivent être formalisées par un accord d’entreprise, un avenant au contrat de travail et un ordre de mission.
♦ Le télétravail ne doit pas être un prétexte à l’introduction de nouvelles organisations
pathogènes. L’opportunisme patronal tend en effet à lier le télétravail à une réduction des coûts de structure dès lors supportés par les salarié.e.s.
Au contraire le télétravail doit être l’occasion d’organisation de travail permettant de répondre aux attentes des travailleur.se.s.
- Solidaires Informatique doit se battre pour maintenir de bonnes conditions de travail dans les locaux de l’entreprise, Le télétravail ne doit pas être l’alibi de la mise en place du Flex-office, des open-spaces et sur la fermeture de certains locaux qui ont pour conséquence une dégradation de l’environnement de travail, une augmentation des coûts liés aux déplacements et l’impossibilité de mettre un terme au télétravail à l’initiative des salarié.e.s.
- Le ou la salarié.e dispose de la liberté de choisir son lieux de télétravail car ce choix relève du respect de sa vie privée.
- Solidaires Informatique doit revendiquer la prise en charge des espaces de co-working qui peuvent permettre un accès à des structures et du matériel professionnels tout en créant de nouveaux collectifs de travail.
- Solidaires Informatique doit s’assurer que l’employeur permette à chaque salarié de disposer d’un espace de travail dans l’entreprise.
- Solidaires Informatique doit alerter les salarié.es sur le risque de voir les entreprises « annexer les domiciles » des télétravailleur.se.s. pour réorganiser leur parc immobilier et faire des économies. Les salarié.es ne doivent jamais perdre de vue que leur domicile reste un espace privé dont ils et elles sont les seul.es à pouvoir décider si, quand, comment et pour combien de temps ils et elles peuvent les mettre, en tout ou partie à disposition de l’entreprise et à quelles conditions.
♦ Le télétravail ne doit pas faire peser de risque sur le maintien de l’emploi. Le travail s’il n’est plus justifié dans le lieu de l’entreprise devient facilement délocalisable entrainant une baisse de l’emploi et une mise en concurrence accrue avec les travailleur.se.s entre des zones géographiques ou des pays où les salaires sont moins élevés.
- Solidaires Informatique doit avec les CSE être en alerte sur les baisses d’emploi, le recours à la soustraitance et à l’externalisation.
♦ Le télétravail rompt le collectif de travail, renforce l’individualisme, inhibe la conscience de classe. Il réduit la possibilité du travail en équipe, détruit le lieu de l’entreprise comme vecteur de lien social. La généralisation du télétravail « ubérise » les salarié.e.s au sens où il déshumanise le travail et où les objectifs individuels prévalent. De plus l’isolement induit peut conduire à des pressions et sanctions individuelles et des situations de harcèlement difficilement décelables. C’est un bouleversement néfaste du monde du travail auquel nous devons répondre.
- Solidaires Informatique doit préserver l’objectif de maintenir le lieu de travail comme un lieu de rencontres et d’échanges, comme la possibilité de créer un collectif de travail capable de créer des rapports de force.
- Solidaires Informatique doit demander à limiter le télétravail sur des durées longues et permettre des retours sur site régulier.
- Solidaires Informatique doit veiller à ce que le télétravail imposé soit limité à des cas de force majeure, comme la pandémie, des bâtiments inaccessibles, catastrophes naturelles rendant le travail sur site impossible ou dangereux.
- Solidaires Informatique doit s’assurer que le télétravail ne génère pas de discrimination et d’inégalité salariale.
♦ Le télétravail met à mal le travail syndical par les difficultés à organiser des moments
d’échanges, d’information et de débats. Le droit syndical (tractage, réunions d’informations syndicales, …) s’exerce sur le lieu de travail et le télétravail généralisé rend difficile sa mise en application. L’isolement des salariés les mets en difficulté pour faire respecter leurs droits.
- Solidaires Informatique doit négocier des accords de droit syndical pour :
- Assurer une information et des débats avec les salarié.e.s sur la situation de l’entreprise, les luttes à mener au niveau professionnel et interprofessionnel.
- Recueillir les demandes et réclamations des salarié.e.s
- Assurer la défense des salarié.e.s isolé.e.s et sujet.e.s à des pressions individuelles non décelables.
- Contrôler les conditions dans lesquelles s’exercent le travail notamment le temps et la charge de travail.
- Permettre aux salarié.e.s d’exercer leur droit de grève dans toutes les situations de travail
- Maintenir la possibilité d’organiser tant des réunions collectives d’informations syndicales que des points individuels avec les salarié.e.s
- Solidaires Informatique doit être innovant et proposer des solutions alternatives pour maintenir le lien avec les salarié.e.s, leur porter assistance et conseil, organiser les luttes.