MICROSOFT S'ACCAPARe nos données de santé
NON A LA PREDATION DES GAFAM
Le 31 janvier dernier, la CNIL a autorisé « avec regret » l’hébergement par Microsoft du traitement « EMC2 » de nos données de santé.
Malgré un discours de façade ventant la souveraineté numérique et la compétence locale des techniciens⋅nes du secteur, malgré une législation qui interdit sauf exception le traitement de données de santé, les pouvoirs publics marchent main dans la main avec les lobbys des GAFAM dès lors qu’il est question de décliner ces grands discours dans des orientations concrètes. Aujourd’hui, la CNIL avance sans argument solide qu’elle n’a pas d’autre choix que d’accorder une autorisation « temporaire » à Microsoft. Or nous savons bien qu’une telle autorisation, quand bien même elle serait provisoire sur la forme, ouvre la porte à une mainmise pérenne du groupe sur la gestion de nos données de santé, et par extension aux lois étasuniennes à portée extra-territoriale. Nous savons aussi que la démarche de prédation des géants du numérique, qui cherchent à étendre sans fin leur position dominante, entravera par nature toute relocalisation des données de santé. Nous savons enfin qu’il est très difficile de revenir en arriève en matière d’extractivisme (ici en matière de données).
Pour les pouvoirs publics, la question se pose en ces termes : « Comment lever les freins à l’exploitation des données de santé pour la recherche et l’innovation ? ». Ce sont des
perspectives qui écartent d’emblée toute dimension démocratique et éthique. A aucun moment ne se pose la question de l’utilité de ces traitements ! Nous refusons que nos
données personnelles, qui plus est de santé, puissent être considérées comme de simples ressources économiques.
À cet égard, notre responsabilité est d’alerter l’ensemble des travailleurs⋅euses, parmi lesquels⋅les, celles et ceux du secteur de la santé : dès lors qu’il sera question de données personnelles, aucun système de traitement ne saura garantir la parfaite anonymisation de ces données ni empêcher totalement et à long terme leur réutilisation au delà des finalités établies initialement. Cela étant, nous nous en remettons à nos camarades du secteur de la santé, s’agissant de l’intérêt que de tels traitements peuvent représenter. Ils et elles sont les mieux à même de définir les besoins en la matière, et de les motiver clairement en terme d’utilité sociale. Ainsi, le traitement de données sensibles doit être particulièrement mesuré et doit rester l’exception.
Pour rappel, la CNIL a prononcé il y a un an une sanction de 60 millions d’euros à l’encontre de Microsoft pour non respect de la législation en matière de protection des données, et l’entreprise est toujours soumise aux FISA702 et Cloud Act, qui sont des lois à portée extra-territoriales n’assurant pas la protection de nos données (arrêt Schrems II de la CJUE).
Finalités (entre autres) du traitement « EMC2 » validé par la CNIL
- Caractériser des populations de patients, autrement dit permettre le profilage de chacun⋅e, aussi bien pour l’Assurance Maladie que pourquoi pas un jour pour les Mutuelles et Assurances privées ;
- Mener des évaluations médico-économiques, autrement dit comprendre dans le détail l’intérêt de certains marchés pharmaceutiques ;
- Concevoir et valider des outils d’aide à l’interprétation des signaux, d’aide au diagnostic ou d’aide à la prise en charge préventive ou curative, autrement dit entraîner des intelligences artificielles prédictives sur notre santé passée et impactant notre santé à venir, et ce sans débat public à notre connaissance.
POLITIQUE INDUSTRIELLE : LE DOUBLE DISCOURS DU GOUVERNEMENT
Cette décision est par ailleurs la marque d’un désaveu manifeste à l’égard des travailleurs⋅euses du numérique. Tandis que le gouvernement vante son volontarisme dans le secteur, les actes concrets mettent au jour leurs intentions réelles : d’un côté laisser libre court à la concentration massive du secteur numérique dans les mains des grands groupes internationaux ; de l’autre favoriser l’émergence de la « Start’up nation » synonyme de subvention d’une R&D externalisée au profit de ces mêmes grands groupes et de la promotion d’un management néo-libéral complètement débridé. Concrètement, il s’agit ici d’ouvrir grand les portes à Microsoft et à ses abus de position dominante, là-bas de tout mettre en œuvre pour qu’Uber puisse isoler des travailleurs⋅euses pseudo-indépendants⋅es. Il s’agit enfin de doper la croissance d’entreprises dont le modèle économique assurera d’un côté la rente d’investisseurs privés et servira de l’autre la concentration du secteur par rachats successifs.
NON A LA CONCENTRATION ET A L’ACCAPAREMENT DES DONNÉES ET DES TECHNIQUES
Avant même cette nouvelle décision de la CNIL, les grands groupes comme Microsoft ne se privaient pas d’abuser de leur position pour préempter différents marchés, dont nombre de marchés publics. On sait par ailleurs que la structuration de l’écosystème des startups, tant vantées par le gouvernement, alimente largement les stratégies anti-concurrentielles des grandes entreprises. Les travailleurs⋅euses du numérique refusent de devenir les prestataires de groupes aux ambitions monopolistiques et de leur logique de prédation ! Les travailleur⋅euses du numérique tirent donc la sonnette d’alarme face à cet abandon de nos capacités de maîtriser les données les plus intimes de chacun⋅e, surtout pour des objectifs aussi clairement lucratifs.
Derrière les engagements de façade, deux perspectives se dessinent pour les pouvoirs publics ainsi que nos directions : soit la promotion de positions marketing ouvrant par
ailleurs la voie aux abus de position dominante et à la seule préservation des rentes financières ; soit la défense d’un réel contrôle des travailleurs⋅euses face aux enjeux du
secteur. C’est de cette manière seulement que pourront être portées des orientations stratégiques respectueuses à la fois de la justice sociale et de nos libertés individuelles !
Travailleurs et travailleuses du cloud, de l’édition logiciel, et de l’ensemble du secteur numérique : faisons le choix de mettre nos compétences au service d’intérêts sociaux,
écologiques et démocratiques.
NOUS DEFENDONS
- La déconcentration des données, des outils et des techniques numériques ;
- L’application de la loi (RGPD) qui interdit par défaut le traitement de données de santé, et en particulier en matière de profilage ;
- La mise en œuvre d’une politique industrielle visant au développement du logiciel libre et à minima de solutions transparentes et interopérables ;
- Un développement technique au service d’un avenir souhaitable et non de la rente capitaliste ;
- Des orientations stratégiques permettant à tous nos collègues travailleurs et travailleuses du cloud, de l’édition logiciel, et de l’ensemble du secteur numérique de mettre leurs compétences au services d’intérêts sociaux, écologiques et démocratiques.