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Notre syndicalisme face à l’Intelligence Artificielle

par Solidaires Informatique
5 minutes de lecture

L’Intelligence Artificielle (IA) est de façon générale un système informatique qui a pour objectif d’automatiser le travail en remplaçant le travail humain par du calcul numérique. Elle a longtemps été un buzzword vide pour attirer les investisseurs et les clients naïfs, mais les récents succès commerciaux des techniques de « machine learning » et de « large language model » ont mis l’IA sur le devant de la scène économique, politique et syndicale.

En décembre 2023, Solidaires organisait les journées de l’IA. En 2024, Solidaires Informatique organise un cycle de conférences « Les Temps Artificiels » qui croise les expériences de syndicalistes avec les analyses de chercheur-ses et expert-es sur l’IA et le travail.

Les syndicalistes de tous les secteurs luttent contre des IA qui leur sont imposées. Par exemple le SNJ (Syndicat National des Journalistes) lutte contre une IA qui génère des articles de mauvaise qualité dans les rédactions de presse ; Solidaires Informatique lutte contre un plan de licenciement massif chez Onclusive où une IA devrait faire des revues de presse à la place des salarié-es ; Solidaires Finances Publiques lutte contre une IA défectueuse de détection des piscines qui empiète sur les capacités à contrôler efficacement la fraude fiscale des plus riches ; Sud PTT lutte contre une IA qui génère des plannings intenables pour les agent-es de la Poste, et contre une IA qui flique les téléopérateur-ices sur la qualité de leurs appels.

Toutes ces IA posent de véritables problèmes de société. Par exemple les articles de presse sont écrits par des IA, puis analysées et triées par des IA qui filtrent, choisissent et orientent ce que liront les entreprises, administrations et ministères du pays. C’est une IA (Parcoursup) qui décide qui a le droit de faire quelles études.
Le patronat prétend remplacer l’humain par les IA, mais elles ne font que transformer et délocaliser le travail vers des pays du Sud à bas revenus : l’IA de détection de piscines est en réalité composée de « travailleur-ses du clic » à Madagascar qui entourent des piscines sur des photos satellites pour 120 €/mois ; les données d’entrainement de ChatGPT sont constamment vérifiées par des travailleur-ses du clic au Kenya (2 $/heure), l’IA chez Onclusive est en fait une délocalisation vers Madagascar.

L’IA découpe le travail et l’intensifie : un-e travailleur-se qui avait une semaine de travail qui alternait plusieurs tâches simples et quelques tâches complexes va se retrouver soit licencié-e, soit avec une semaine de travail bien plus fatigante car remplie de tâches complexes, pour la même durée et le même salaire, pendant qu’un algorithme ou des « travailleur-ses du clic » payé-es une misère exécuteront des tâches simples et répétitives. Et il faut encore passer du temps supplémentaire pour corriger les mauvais résultats de l’IA, alors même que la moitié de l’équipe a été licenciée car ce travail n’a pas été anticipé par le patron.

L’essor de l’IA est permis par la numérisation des informations pour produire les données qu’ingèrent les algorithmes, le développement d’internet et des visioconférences qui permettent le travail à distance et les transferts de savoir-faire intercontinentaux, les chaînes de sous-traitance, les datacenters et la production d’unités de calcul électroniques. Les IA permettent une division internationale du travail et un retour du travail à la tâche via des plateformes numériques. Elles ne remplacent pas les travailleur-ses humain-es, mais elle dissimule le travail à la tâche à l’autre bout du monde en faisant croire à un miracle de la technologie.

Les données utilisées par les IA sont la plupart du temps personnelles et/ou volées. Nos droits ne sont pas respectés. Les IA reproduisent et amplifient les biais (sexistes, racistes…) présents dans les données et chez les travailleur-ses de l’informatique qui produisent les IA. Par exemple l’IA des téléopératrices de la Poste sanctionne plus durement les femmes jugées « pas assez fermes ».

Les datacenters ont besoin de toujours plus d’eau, nous allons en avoir de moins en moins, et leur consommation d’électricité est faramineuse. La production massive des composants électroniques repose sur l’extraction polluante de matières premières, l’usage massif d’eau là encore, et l’exploitation de travailleur-ses dans les mines, parfois sous le régime de l’esclavage.
Nous devons affirmer que les travailleur-ses du clic sont nos collègues et nos camarades, car nos luttes syndicales n’ont pas de frontière.
En tant que travailleur-ses de l’Informatique, nous devons interroger la pertinence du travail que nous faisons, poser nos conditions pour construire un monde dans lequel nous voulons vivre. Nous devons agir pour dénoncer, interdire et faire disparaître les IA qui permettent d’exploiter et surveiller davantage les humains, ainsi que celles qui détruisent la possibilité d’un écosystème compatible avec notre survie collective.
Nous avons à construire ensemble un discours clair qui puisse convaincre nos collègues, en établissant nos revendications, nos outils d’action syndicale, et les conditions que nous voulons faire appliquer.


Pour cela nous :
• invitons tout-es les camarades motivé-es à rejoindre la commission IA de Solidaires Informatique, et
• mandatons la commission IA pour participer aussi activement que possible et envoyer des camarades à la commission « Technologie, travail et société » de l’Union Syndicale Solidaires, qui traite ces sujets en interprofessionnel.

Notre syndicalisme face à l'intelligence artificielle

Communiqué
PRESSE

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