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Pour une analyse plus approfondie des coopératives de productions

par Solidaires Informatique
12 minutes de lecture

Nos revendications pour le présent

Solidaires Informatique, en tant que syndicat de transformation sociale autogestionnaire, confirme son engagement de Congrès (2023) de s’engager vers la socialisation des moyens de production, comme outil clef du dépassement des processus de domination au travail, et du capitalisme.

 

À ce titre, l’existence du GT coopératives est renouvelée, et le Bureau aura pour mandat de faire valoir ses recommandations et travaux auprès du Conseil Syndical.

Solidaires Informatique, en grandissant, syndique une variété de plus en plus grande de travailleuses et travailleuses travaillant au sein de coopératives. Cette variété incluant des « managers », des personnes associées aux coopératives qui les emploient, et parfois même des personnes qui hier étaient simples salariées de leur entreprise et qui aujourd’hui, pour la durée d’un mandat, assument également la responsabilité d’employeur.se.

 

Parce que Solidaires Informatique est un syndicat de transformation sociale, nous réaffirmons que chaque travailleuse et travailleur a sa place dans notre syndicat.

Cependant, pour éviter les conflits d’intérêt évidents et pour protéger les plus vulnérables, Solidaires Informatique se donne pour perspectives :

  1. de défaire les mandats de toute personne prenant la responsabilité d’employeur.se dans le champ de syndicalisation de Solidaires Informatique (dans les entreprises comme dans le syndicat), et de les conserver comme adhérent.e.s ;
  2. d’encourager toute personne pouvant faire l’objet d’un conflit d’intérêts dans ses pouvoirs d’agir au sein de son collectif de travail et dans son syndicat, à se déporter de tout sujet syndical (autant des discussions que des prises de décision) ;
  3. de mandater le Bureau et le Groupe de Travail – Coopératives pour proposer des pistes d’organisation au Conseil Syndical permettant de réduire les conflits d’intérêt en son sein.

 

Exposé des motifs

En 2023, lors de son congrès Solidaires Informatique votait la motion « Charte d’Amiens et subséquences ». Dans cette motion, nous avons réaffirmé notre adhésion à cette charte. Au sein de cette motion, nous avons aussi réaffirmé notre ambition de « transformer radicalement le rapport capital-travail, en visant nécessairement à la socialisation des moyens de productions ».

 

Nous, le Groupe de Travail – Coopératives, pensons que cette réaffirmation s’inscrit en droite ligne dans le principe de « double besogne » 1 dont notre syndicat est héritière via son adhésion à la charte d’Amiens.

Nous pensons que les Coopératives de Productions (en incluant les Coopératives d’Activité et d’Emploi) peuvent être un outil au service de cette transformation sociale.

 

Via cette motion, nous souhaitons aussi mettre en lumière différents axes de réflexion pouvant améliorer la grille d’analyse du Syndicat vis-à-vis de ces structures. Nous désirons aider à approfondir le débat.

Via cette motion, nous voulons aussi rendre compte auprès du Syndicat des travaux que le GT coopératives a entrepris et des futurs chantiers que nous voulons mener à bien.

 

Pour mieux comprendre les coopératives

Les différents points de cette motion sont en partie repris et adaptés de la FAQ sur les coopératives que le Groupe de Travail – Coopératives a produit 2.

Nous les mettons à disposition dans cette motion, car nous pensons qu’ils peuvent participer à éclairer le débat.

 

Coopératives de production, de quoi parle-t-on ?

En France, il existe une typologie variée de structures dites coopératives. Il existe par exemple des coopératives agricoles, des coopératives bancaires (Crédit Agricole, le groupe BPCE ou encore le Crédit Mutuel) mais aussi les coopératives dites de Production.

Ce sont ces dernières que nous proposons de faire rentrer dans notre champ d’analyse.

Une coopérative (qu’elle soit de production ou non) est une entreprise socialisée, c’est-à-dire composée par ses associés et n’appartenant en droit à personne.

Une coopérative de Production intègre, à ce titre, de droit le champ de l’économie sociale et solidaire.

 

La définition légale d’une coopérative est la suivante :

« La coopérative est une société constituée par plusieurs personnes volontairement réunies en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires. »

 

Dans la famille des « coopératives de production » il existe deux grandes catégories : les SCOP3 et SCIC4. Bien qu’ayant quelques différences, nous estimons que, dans le cadre de notre analyse, ces différences restent peu signifiantes.5

Notons que les CAE6 sont en droit des SCOP ou des SCIC.

Une coopérative se distingue nettement d’une société capitalistique, notamment par deux caractéristiques propres :

  • le respect du principe « une personne = une voix » : nous n’avons pas tou.te.s les mêmes moyens (pour apporter de l’argent dans notre coopérative), mais toutes les voix sont importantes (et pas seulement liées à l’apport en capital).
  • La répartition de la richesse issu de l’activité économiques de la structure est encadrée

En résumé, une coopérative répond à deux questions fondamentales : la question de la répartition du pouvoir et celle de la répartition des richesses issues de l’activité économique.

 

Pourquoi parle-t-on de capital dans une coopérative ?

Le capital social est le terme « juridique » pour nommer l’ensemble des apports des associé.e.s dans une entreprise.

Cet apport est comptablement assimilé à une dette : les associé.e.s prêtent de l’argent à la Coopérative. Iels prennent le risque de perdre cet argent si la Coopérative devait être liquidée.

Notez ici que les apports des associé.e.s ne valent pas titre de propriété. En effet, dans une entreprise classique capitaliste, l’achat d’action ou de parts dans une entreprise confère aux « possédants » un titre de propriété sur une partie ou la totalité de l’entreprise.

 

C’est ce titre de propriété qui confère aux patrons ou patronnes le pouvoir sur les moyens de productions et sur les personnes nécessaires à les faire fonctionner.

Dans une société coopérative, aucun titre de propriété n’existe et donc, en droit, pas de patron et pas de patronnes.

De ce fait, nous pouvons dire qu’une société coopérative est une entreprise socialisée.

 

Mais qui décide alors ? Et quid de la subordination ?

Comme toute structure économique une coopérative dépend du droit du commerce. À ce titre, il est obligatoire qu’une entreprise possède à minima un ou une dirigeant.e. La différence majeure est que cette personne est élu.e par l’ensemble des associé.e.s représenté.e.s par l’Assemblée Générale de la coopérative (AG). Ce/cette dirigeant.e reçoit un mandat des associé.e.s pour gérer la coopérative.

Dans certains cas, cette personne continue à exercer son mandat comme salarié.e de la coopérative et continue à ce titre d’avoir un lien de subordination par rapport à l’AG.

 

Si la direction possède légalement le pouvoir de subordonner les salarié.e.s (pouvoir donner des consignes de travail, pouvoir les contrôler et pouvoir sanctionner en cas de manquement), les associé.e.s possèdent de leur côté un fort contre-pouvoir : la direction peut être révoqué.e à tout moment.

Dans une coopérative, ce sont les statuts qui font loi et ce dans le respect des différents Codes (Code du Travail, Code du Commerce…)

De ce fait, il est possible de définir dans les statuts de la coopérative des articles encadrant le rôle de la gérance et les conditions d’exercice de ce mandat.

Ainsi, il est possible de concevoir le rôle de gérant comme un mandat impératif et révocable.

 

Note sur la « double qualité » en SCOP : être à la fois salarié.e et sociétaire

Dans une Scop, les personnes salariées sont amenées à devenir associées. Elles disposent alors de ce qu’on appelle la double qualité : associées à l’entreprise et employées par elle. Au quotidien c’est un tout petit peu compliqué… Surtout dans un monde où la culture dominante ne donne surtout aucune clef de compréhension, et où les mécanismes de domination sont la base des rapports sociaux et économiques.

Cette double qualité oblige les sociétaires à jongler entre leurs différents statuts : celui de salarié.e dont la relation à la SCOP est clarifiée via le contrat de travail et le statut de sociétaire dont la relation à la SCOP devrait être clarifié via les statuts.

À l’heure actuelle, nous constatons qu’au quotidien cette double qualité n’est pas toujours facile à vivre et à exercer.

Celle-ci pose des questions, notamment en termes de répartition du temps : qu’est-ce qui relève du temps de travail ? Qu’est-ce qui relève du temps de sociétariat ?

De la même manière, nous constatons que les rapports hiérarchiques peuvent continuer à exister même lors des temps de sociétariat (AG annuelle, réunion stratégique de la coopérative…)

Nous pensons qu’il sera nécessaire pour le rôle du GT d’aider les salarié.e.s (associé.e.s ou non) de coopératives syndiquées chez Solidaires Informatique à vivre au mieux cette double qualité.

Ceci en par exemple, comprendre les rapports de dominations qu’il peut encore exister entre travailleur.euse d’une coopérative même si le statut d’associé confère juridiquement une égalité statutaire entre elleux.

 

Quelle place pour un Syndicat dans une coopérative ?

Même si une coopérative dispose de tous les outils pour créer une structure qui pourrait être la plus autogérée et équitable possible, nous devons constater que ce n’est pas forcément le cas.

Une coopérative s’inscrit de fait dans l’économie capitaliste et se doit d’être économiquement viable. De ce fait, il est possible que les travailleurs et travailleuses doivent prendre des décisions allant contre le bien-être d’autres.

De cette contradiction, peut aussi naître le conflit social auquel cas il sera certainement nécessaire pour un Syndicat d’y jouer son rôle de défense des salarié.e.

Nous avons aussi établi qu’une coopérative, comme toute structure sociale et économique, peut-être aussi un lieu ou les rapports de domination continuent à s’exercer et ce en prenant parfois ses formes les plus aiguës : harcèlement moral et sexuel.

Là aussi, nous pensons que ce sont des champs d’action à investir pour le Syndicat en offrant par exemple un espace d’écoute et d’action pour les personnes concernées par ces oppressions.

Quand une coopérative atteint une certaine taille démographique, le fonctionnement en démocratie directe peut devenir plus complexe à mettre en œuvre. Dès lors, nous imaginons que le Syndicat pourrait jouer un rôle classique de représentation du personnel au sein de l’AG.

Nous devons aussi constater que parfois la création d’une coopérative peut être le fruit de l’envie de personnes de créer un collectif de travail à l’image de leurs aspirations politiques.

Cependant, être militant⋅e ne fait pas automatiquement de nous de bon⋅nes gestionnaires d’entreprise ou des fin⋅nes connaisseureuses du droit du travail. De ce fait, l’organisme de formation des syndicats comme le CEFI peut constituer de bonnes ressources en termes de formation pour les salarié⋅es de coopératives.

Est-ce que toutes les coopératives sont des alliées objectives des travailleurs et travailleuses ?

Pour nous, la réponse est clairement non. Le statut coopératif dote les coopératives d’un certain nombre d’outils pour créer une entreprise se rapprochant des aspirations du syndicat.

Retenons simplement que statut n’est pas vertu.

Nous voulons dire par là que même si les statuts et la déclaration sur l’Identité coopérative7, dont découlent les coopératives, visent à une juste répartition des pouvoirs et de la richesse, nous devons déplorer que certaines coopératives reproduisent des mécanismes non-inclusifs vis-à-vis de leur objet social. On peut trouver des coopératives qui :

  • abusent de la sous-traitance ou de l’intérim ;
  • qui ne permettent pas à leurs personnes salariées de devenir sociétaires et ainsi de partager la gouvernance de leur objet social ;
  • qui sont devenues tellement grosses que leur fonctionnement, dans les faits, n’a plus rien de démocratique, voire que leur fonctionnement devient source d’oppressions (ex: dans un autre secteur, les coopératives agrico-industrielles) ;
  • qui sont intégrées dans des logiques de « groupe », comme ça peut être le cas par exemple au niveau associatif avec le Groupe SOS et plus largement dans le social-business.

Actuellement, nous n’avons pas, au sein du GT, de moyens d’objectiver quelle coopérative se montre « digne d’intérêt » ou peut être considérée comme une alliée objective.

A ce stade de nos travaux, nous pensons que c’est encore une piste de travail à creuser.

Quels futurs chantiers pour le Groupe de Travail – Coopératives ?

Cette année, nos travaux se sont portés essentiellement sur la création de la FAQ sur les coopératives dont cette motion est héritière. En effet, il nous semblait urgent et important d’apporter des éléments théoriques pour éclairer et par la suite approfondir le débat.

Durant nos travaux, nous avons aussi établi qu’il serait nécessaire d’approfondir notre analyse sur les CAE. Bien qu’elles constituent selon nous une réponse claire au problème de l’autonomisation des salarié.é.es dans notre secteur, elles ouvrent des questions qui devraient être plus largement débattues et ce à minima au sein du GT.

Nous ressentons aussi le besoin d’affiner notre grille de lecture afin de pouvoir déterminer les conditions et moyens à mettre en oeuvre pour les coopératives afin qu’elles s’inscrivent dans notre souhait de donner au plus grand nombre la capacité de travailler dans une entreprise socialisée.

 

1La double besogne désigne, selon la Charte d’Amiens, le double objectif de défense des revendications immédiates et quotidiennes des travailleurs, et la lutte pour une transformation d’ensemble de la société « par l’expropriation capitaliste » (Source : Wikipedia)

2Encore en cours d’écriture et mise en page à la date de l’écriture de cette motion (30 avril 2024)

3Scop : Société Coopératives de Production. Ici nous utilisons volontairement cette dénomination « ancienne » car nous considérons que la dénomination actuelle, Société Coopérative Ouverte et Participative, dépolitise ce type de structure. En effet, nous souhaitons continuer à faire figurer le lien que les Scop ont historiquement avec le Mouvement Ouvrier.

4Scic : Société Coopératives d’Intérêt Collectif

5Les deux différences principales sont que le SCIC peuvent recourir au bénévolat dans le cadre de leurs activités et que le capital social des SCIC peut être détenu à majorité par les usagers des SCIC. Ce qui n’est pas possible dans le cadre des Scop

6CAE : Coopératives d’activité et d’emploi. Une CAE est un type de coopérative permettant à chacun.une de pouvoir créer son activité entrepreneuriale au sein de la CAE tout en restant salarié·e·s de la structure.

7Voir : https://ica.coop/fr/coop%C3%A9ratives/identite-cooperative

Pour une analyse plus approfondie des coopératives de productions

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