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Flicage des sans-emplois, mais ça va pas ?!
Dans la nuit du 11 au 12 juillet, le SĂ©nat examinait le projet de loi Plein Emploi. A cette occasion, la majoritĂ© sĂ©natoriale a rĂ©introduit la proposition du candidat Macron conditionnant le RSA Ă 15h d’activitĂ© par semaine. Cette mesure concernera toutes les personnes sans emploi signataires d’un contrat d’engagement, comme les bĂ©nĂ©ficiaires de l’Allocation de SolidaritĂ© SpĂ©cifique ou les chĂ´meur-euses longue durĂ©e.
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Avec cette mesure, la majoritĂ© sĂ©natoriale embrasse une vision libĂ©rale et inique selon laquelle les privĂ©-es d’emplois bĂ©nĂ©ficiaires du RSA feraient le choix volontaire de la prĂ©caritĂ©, et ne seraient pas les victimes collatĂ©rales du marchĂ© de l’emploi. C’est l’individualisation des dĂ©sordres provoquĂ©s par le capitalisme. Une individualisation qui va Ă©craser les plus prĂ©caires d’entre nous.
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Ce texte prĂ©voit une charge de travail consĂ©quente en accompagnement, sans toutefois prĂ©voir de financements pour les moyens humains et techniques. On peut dès maintenant prĂ©voir Ă la fois les conditions de travail dĂ©gradĂ©es dans ces structures accompagnantes, les consĂ©quences de ce dĂ©sinvestissement sur les personnes prĂ©caires surveillĂ©es par ces dispositifs, et un Ă©chec prĂ©visible de l’objectif annoncĂ© de la rĂ©forme (retour vers l’emploi).
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Le texte maintient un flou volontaire sur le contenu de ces 15h d’activitĂ©s. Ateliers de formation ou Travail dĂ©guisĂ© ? Une chose est sĂ»re cependant, elles conditionnent le versement du RSA. Enfin, ces 15h d’activitĂ©s relèveront du bĂ©nĂ©volat et ne seront donc pas rĂ©munĂ©rĂ©es. Au-delĂ de l’atteinte Ă la dignitĂ© des plus prĂ©caires, ce choix risque aussi mettre en tension les mĂ©tiers qui se retrouveront en concurrence directe avec une main d’Ĺ“uvre gratuite.
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Une mesure qui desservira le jeu vidéo
Le milieu du Jeu Vidéo ne sera pas épargné par ce dispositif :
- Beaucoup de nos collègues salariĂ©-es ont des carrières en dents de scies, alternant pĂ©riodes de crunch et pĂ©riodes de chĂ´mage. Leur recherche d’emploi sera rĂ©duite de 15h par semaine.
- Parmi les indĂ©pendant-es, nombre d’entre elleux sont dans une situation de prĂ©caritĂ© similaire, enchaĂ®nant des missions freelance avec peu de visibilitĂ©. Leur recherche de contrat sera rĂ©duite de 15h par semaine.
- Les pĂ©riodes sans emploi sont dĂ©jĂ utilisĂ©es par nombre d’entre nous pour faire du travail non rĂ©munĂ©rĂ© nĂ©cessaire Ă nos carrières, que ce soit :
- Pour construire un réseau professionnel stable (en participant comme bénévole sur des salons professionnels, tenant des conférences, en aidant comme accordant du temps sur des jeux : gestion de serveurs, tests de prototypes, etc.)
- Pour étoffer son portfolio (veille technologique, réalisations de prototypes, etc.)
- Les activités annexes faites en période sans emploi sont légions
- Game jams, streams
- Participation Ă des concours, challenges, projets personnels
Nos vies valent plus que leurs profits
Ce dispositif est un naufrage, couplant honte idĂ©ologique, prĂ©carisation intensive des prĂ©caires ; c’est un non sens logistique et un Ă©chec annoncĂ©.
- Notre valeur n’est pas conditionnée à notre serviabilité en entreprise, les activités non rémunérées sont un pilier de notre société : art, engagement associatif ou syndical, garde d’enfants, formations, et bien d’autres.
- Au delĂ de sa soumission Ă l’idĂ©ologie libĂ©rale, cette dĂ©marche est validiste : certaines personnes ne peuvent PAS travailler, et alors ? C’est notre devoir en tant que sociĂ©tĂ© de protĂ©ger toute personne. Nous n’oublions pas non plus que le vieux poncif selon lequel « le travail donne de la dignitĂ© Ă l’homme » est basĂ© sur l’invisibilisation du travail gratuit – exĂ©cutĂ© notamment par les femmes dans la sphère domestique – et des personnes considĂ©rĂ©es, nĂ©es ou devenues incapables de travailler : personnes handi*, personnes agĂ©es, enfants, Ă©tranger-ère-s privĂ©-e-s de droit au travail.
- Le RSA est in fine la forme actuelle du complĂ©ment de revenu auparavant garanti par l’existence de biens communaux, partagĂ©s et accessibles Ă toustes. Il devrait reprĂ©senter notre choix collectif de garantir au minimum la survie de chacun-e, quelles que soient les circonstances de leur vie, et non l’imposition – comme le voudrait cet amendement – d’un choix entre la soumission ou la faim.
- Les accidents du travail, les maladies professionnelles, les conditions dégradées de travail projettent des salarié-es dans la précarité. Celleux-là seront doublement frappé-es par le système capitaliste.
Cette loi sera examinée à l’automne par l’Assemblée Nationale.
Nous exigeons dès maintenant l’abrogation de cet amendement ainsi que de toute mesure visant à fliquer et infantiliser les gens.
Les recruteurs galèrent à recruter ?
Qu’ils payent mieux
et offrent des conditions de travail dignes !